Nos histoires
La fondation
Le projet est né en 1983, en pleine désinstitutionnalisation, à l’initiative d’un groupe issu de l’association des parents de psychiatrisé·es et ex-psychiatrisé·es AMI-Québec (à l’époque Québec Alliance pour les malades mentaux INC.). Cette initiative a été menée par l’anthropologue Irène Loretta Ranti – la fondatrice de Club Ami et co-fondatrice d’AMI-Québec, dont le fils a reçu le diagnostic de schizophrénie. Le nouveau groupe propose un programme « d’activités socio-culturelles » pour ses membres. Le « quotidien » et l’« ambiance » étaient déjà des sujets à l’ordre du jour de cette communauté naissante.
La mise sur pied de l’organisme a été énormément influencée par deux groupes importants pour tout traitement alternatif en santé mentale : la Fountain House à New York (le modèle états-unien de l’alternative à la psychiatrie) et le collectif Solidarité-Psychiatrie (1979-2007).
L’expansion
Le projet a pris de l’ampleur. On comptait 234 membres en 1987. Dispersé sur l’avenue Van Horne, la rue Linton et le chemin de la Côte-des-Neiges, Club Ami était composé d'appartements supervisés non-mixtes, d’une friperie, d’un centre de jour, d’un magnifique journal, des programmes d’employabilité dans les hôpitaux et au CLSC du quartier, d’un jardin communautaire, d’un camion de livraison, etc. Des groupes de paroles se sont mobilisés autour des questions du Sida, des droits des psychiatrisé·es, d’aide sociale. Dans les mêmes années, des réseaux alternatifs en santé mentale ont vu le jour au Québec, politisant la solidarité déjà présente entre les différents groupes.
Le sauvetage
En 2005, Club Ami, en plein apogée, est obligé de fermer ses portes, à la suite d’une série de malchances. Tout a été perdu. Ce fut une période douloureuse pour les membres. Ce n’est qu’en 2008 qu’une coalition de fonctionnaires, d’acteur·trices du communautaire et d’élu·es ont décidé de prendre en main la réouverture du centre. Louise Tremblay, qui travaillait pour la cafétéria communautaire, est devenue directrice de Club Ami avec un soutien financier minimal. Une vingtaine de membres l’accompagnant, ils et elles ont remis en état le centre de jour (démocratiquement), se concentrant sur des activités ergothérapiques et de création artistique.
Comment accueillir ?
Avec une équipe réduite et des moyens rachitiques (commençaient alors les périodes d’austérité au Québec), Club Ami s’est vu investi activement par les membres. Ils et elles ont pris en charge l’ambiance du centre de jour et ont défendu ses orientations. En laissant les exigences institutionnelles de côté (ou les attentes du système), une programmation variée permettait de nourrir une liberté renouvelée chaque jour. En quelques années, le nombre de membres a quadruplé, énième preuve qu’un lieu libre et ouvert est nécessaire dans un écosystème de plus en plus fermé et sécurisé.
La structure minimale
Avec l’arrivée de William Delisle à la direction en 2019, précédemment intervenant au centre de jour, Club Ami développe son approche clinique et entame une restructuration des espaces démocratiques avec les membres. C’est à partir de ce moment-là que réunions et comités des membres s’instituent de façon permanente afin de rendre autonome la structure. Après le grand bouleversement de la Covid-19 (le centre de jour a dû fermer ses portes durant cinq mois, pour se concentrer sur des appels de soutien, de la livraison de nourriture et des ateliers au parc), Club Ami a fêté ses quarante ans, avec plus de 175 membres et un lieu qui tient en un seul morceau, malgré les embuches. Une réelle structure minimale, qui permet à chacun·e de déposer ses inventions, ses désirs, ses souffrances, sans avoir de compte à rendre, évolue maintenant dans de nouveaux réseaux de solidarité, portés par l’accueil, l’écoute et la présence permanente.
2008-2019
Irène Loretta Ranti (1933-2019)
1983-2008
Louise Tremblay
2019-










Solidarité-Psychiatrie : une influence majeure
En fouillant dans les archives de Club Ami, nous avons trouvé plusieurs petites histoires qui reliaient le centre au collectif Solidarité-Psychiatrie. En y voyant de plus près, nous avons remarqué que tout un petit réseau de membres se promenaient à travers la ville de centre de jour à centre de jour. Il y avait même des parties de hockey organisées entre Club Ami et Solidarité-Psychiatrie, des échanges de membres « transfuges » et des réunions partagées. Une vie de réseau. Pour Solidarité-Psychiatrie, fondé en 1979, la psychose n’est pas vue comme une maladie, mais plutôt « comme une tentative de dégel d’une situation gelée ». Le collectif propose alors une interprétation alternative de la folie, en convoquant Jacques Lacan, Maud Mannoni et Donald Winnicott. C’était un groupe politique aussi, très engagé dans l’antipsychiatrie, décrit par François Peraldi comme « un court-circuit » dans l’éternel retour du même de l’institution psychiatrique.
Nous vous proposons de jeter un coup d’oeil sur le film documentaire réalisé par Jacqueline Levitin (1984), Pas fou comme on le pense.